Ce dimanche 26 mai 2013 était à nouveau l’occasion d’une démonstration de force de la Manif pour tous, opposée au mariage gay, et elle fut, si l’on en croit « Le Parisien
», un succès : bien embarrassant pour le gouvernement en place mais
aussi pour les partis politiques qui n’y retrouvent pas leurs petits, et
se trouvent confrontés à un mouvement à la fois inédit et
insaisissable, en tout cas difficilement récupérable. Comme me disait un
vieux Camelot du Roi au milieu du bruit assourdissant des sirènes, des
chants et des hurlements, alors même que les premières lacrymogènes
rebondissaient sur le sol en nous enfumant, « Antigone n’a pas de parti parce qu’elle n’est pas exactement démocrate, elle est mieux et plus que cela » : ce qu’il voulait signifier, c’est que la légitimité incarnée par l’héroïne triste et brave évoquée par Sophocle ne trouve pas son compte dans les jeux partisans et dans une légalité
qui doit trop aux querelles et aux manœuvres politiciennes pour pouvoir
prétendre répondre à la fois aux aspirations exprimées par les
manifestants du jour et aux exigences de cette civilisation humaniste à
laquelle nous sommes, lui et moi, attachés.
Des colères de la rue... d'hier à aujourd'hui.
Effectivement, ce qui ressort de ces événements des derniers mois, c’est la dichotomie entre ce pays légal issu des urnes et des partis, celui qui doit son pouvoir à la démocratie représentative aujourd’hui magistralement bloquée, et un pays réel
qui, à force d’être moqué, méprisé et, même, réprimé, se rebiffe en
clamant haut et fort son refus d’un renversement de civilisation que Mme
Taubira avouait initier comme si ce projet était anodin ou naturel…
La
grande question de la légitimité mais aussi celle de la décision
politique – et de ses obligations, risques et travers- se trouvent
posées, d’une certaine manière, par le mouvement de la Manif pour tous : la relecture de l’Antigone de Sophocle,
tout compte fait, ne doit pas rester au niveau d’une simple étude
littéraire, mais pourrait bien participer, d’une manière ou d’une autre,
à cette « reconstruction d’un esprit politique »,
celui qui ne doit rien aux systèmes idéologiques actuels mais plonge ses
racines dans l’histoire, non pour se perdre dans un passéisme malsain
et vain mais plutôt pour se nourrir de ce qui fût pour faire advenir ce qui doit être.
Que les partis soient désarçonnés devant un tel mouvement, à la fois « civilisationnel »
(sans doute plus que simplement « sociétal », ce dernier terme évitant,
pour ceux qui l’emploient, de penser en termes politiques au sens fort
et complet de cette dernière formule) et, pourtant, de masse
alors qu’il ne s’agissait pas, croyait-on jadis, d’une affaire
susceptible d’intéresser les Français et encore moins d’embraser les
passions, est la preuve d’une défiance envers la démocratie représentative décevante et si démobilisatrice ces dernières années… Ce désaveu envers la démocratie parlementaire ne doit pas sombrer dans un nihilisme ou un repli communautaire, fut-il catholique, qui seraient pires que le mal : au contraire, il doit permettre de refonder une pensée de la Cité, éminemment politique et profondément humaniste,
face aux dangers d’une idéologie à la fois individualiste et
technophile qui nie l’humanité pour créer « son » homme nouveau,
aboutissement d’une « science sans conscience » fort dangereuse pour la liberté de l’homme réel comme de son esprit.
Ne l’oublions pas, comme le rappelle Maurras dans un beau texte intitulé « Antigone, Vierge-mère de l’Ordre
», ce n’est pas elle qui menace l’ordre de la cité et sa pérennité mais
bien plutôt celui qui a alors le Pouvoir et qui croit être « la loi » quand il n’est plus, selon la formule mitterrandienne, que « la force injuste de la loi » : ce Créon qui porte aujourd’hui le nom du président Hollande et paraît comme le véritable « anarchiste destructeur de la cité
» est, d’ailleurs, désigné par les foules de ce printemps 2013 comme
celui qui a fauté… et qui doit partir ! Sans doute n’est-ce pas si
simple mais, et sans attendre 2017, faut-il rappeler encore et toujours
que ce qui fonde une cité est plus important que les lois de convenance et de circonstance destinées à satisfaire un électorat ou un groupe de pression au détriment du sens et de l’intérêt communs…
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